L’élève faisait à
pied un long chemin jusqu’à la pagode du Maître pour lui apporter
un paquet de thé. Un thé rare et cher. Le Maître demanda de l’eau
frémissante et invita l’élève à prendre le thé avec lui dans
le jardin. Il faisait déjà nuit. Une délicieuse nuit de début
d’automne, calme et fraîche.
(dessin de Binh An, encre de Chine)
L’élève s’apprêtait
à chanter la qualité du thé quand le maître désigna la feuille
d’emballage et lui demanda en souriant ce qu’il en pensait.
Interloqué, l’élève dit que c’était une feuille de papier,
puis garda un silence embarrassé…Ne voyant rien venir, le Maître
se leva, prit la feuille de papier, s’approcha d’une bougie et la
brûla. L’élève se leva en sursaut:
« Yi King ! En
brûlant la feuille, vous avez cherché à accélérer le temps. Oui, jusqu'ici, j'ai appris à regarder les êtres et les choses autour de moi
d’un œil amical. J’apprends qu’il faut aussi
réfléchir sur les transformations, cette dimension du passé et du
futur des choses… ».
Et l’élève commenta :
« A la boutique du commerçant, cette feuille dormait dans une belle
armoire où elle a dû quelque peu s’ennuyer. Et voilà qu’on la
sorte du tiroir, qu’on la plie, qu’on la froisse. D’où
vient-t-elle? D’un arbre, d’une forêt ? De l’arbre à elle, je
ne vois qu’une chaîne de souffrances. Le destin a voulu qu’elle
soit une feuille d’emballage. Bientôt, on la mettra dans une
poubelle. Elle sera jetée dans les décharges où elle deviendra,
avec d’autres détritus, un humus qui, un jour, fera pousser une
plante, un arbre. Le cycle de la vie reprendra, mais quel triste
destin que celui de cette feuille de papier, … »
A ce point, le Maître
leva la tasse. L’élève s’arrêta, comprenant que quelque chose
gênait son Maître. Il chercha un autre sujet.
Après une gorgée de thé, voyant les veloutes de vapeur d’eau parfumée monter dans l’air, l'élève reprit : « Maître, où va donc cette belle fumée ? Dans le ciel, très haut dans le ciel, où je vois déjà quelques légers nuages. Cette fumée contribuera, de façon certes infime, mais elle contribuera, à la formation d’un nuage, qui voyagera jusqu’à un ciel lointain. Un jour le nuage prendra froid, et deviendra pluie. Et cette pluie arrosera quelque part une plante, la plante deviendra arbre. Et le cycle de la vie continuera, là aussi, indéfiniment. Mais quel merveilleux chemin que celui là… »
Après une gorgée de thé, voyant les veloutes de vapeur d’eau parfumée monter dans l’air, l'élève reprit : « Maître, où va donc cette belle fumée ? Dans le ciel, très haut dans le ciel, où je vois déjà quelques légers nuages. Cette fumée contribuera, de façon certes infime, mais elle contribuera, à la formation d’un nuage, qui voyagera jusqu’à un ciel lointain. Un jour le nuage prendra froid, et deviendra pluie. Et cette pluie arrosera quelque part une plante, la plante deviendra arbre. Et le cycle de la vie continuera, là aussi, indéfiniment. Mais quel merveilleux chemin que celui là… »
De nouveau le Maître leva
la tasse....
L'élève réfléchit. Après quelques gorgées de thé, il prit congé du maître et emporta avec lui la deuxième leçon.
L'élève réfléchit. Après quelques gorgées de thé, il prit congé du maître et emporta avec lui la deuxième leçon.
Regardez le monde autour
de vous d'un œil amical. Ajoutez une dimension temporelle à votre
regard. C'était la première leçon.
Mais appréciez les choses et les êtres, sans s’abandonner ni à la tristesse du chemin d'un papier d'emballage, ni aux délices du voyage d'un parfum de thé. Gardez votre âme sereine et détachée de tout lien affectif. C’est la deuxième leçon.
L’élève se dit : « Cette deuxième leçon est bien difficile. Peut-être ne pourrai-je jamais l’intégrer entièrement. Je ne suis qu’un homme ordinaire, trop attaché aux destins des choses et des êtres autour de moi…. »
Mais appréciez les choses et les êtres, sans s’abandonner ni à la tristesse du chemin d'un papier d'emballage, ni aux délices du voyage d'un parfum de thé. Gardez votre âme sereine et détachée de tout lien affectif. C’est la deuxième leçon.
L’élève se dit : « Cette deuxième leçon est bien difficile. Peut-être ne pourrai-je jamais l’intégrer entièrement. Je ne suis qu’un homme ordinaire, trop attaché aux destins des choses et des êtres autour de moi…. »
Coucou ami artiste.
RépondreSupprimerTon texte me fait penser à la méditation en pleine conscience que je tente de pratiquer. S'inscrire dans le temps présent, être conscient des choses et des êtres qui nous entourent mais se détacher de ce qui fait mal, se recentrer sur soi-même et sourire aux toutes petites choses de la vie. Un vaste programme qui paraît simple ainsi mais qui est si difficile. C'est la leçon de toute une vie. Je t'embrasse et merci pour ton billet du jour très inspirant.
Le Maitre veut dire qu'il faut savoir apprécier la beauté du monde qui nous entoure mais ne pas s'y attacher. Je ne suis pas sûr que tout le monde partage l'idée! Bon WE à toi !
SupprimerAh... Ce détachement qui n'est ni l'indifférence, ni le désintérêt! La clé c'est l'état d'esprit, non? C'est du moins ce que je retiens de ce beau texte...
RépondreSupprimerCe n'est pas si simple. Je connais un bonze qui fait énormément de choses pour aider les autres, et reste indifférent sur ce qu'il a fait. Ni joie, ni tristesse, ni fierté.
Supprimerl'arbre s'accroche à la montagne
RépondreSupprimeret regarde le ciel
tomber en cascade
J'aime ton dessin
un magnifique papier
d’emballage ...
C'est bien cela la leçon ? ;)
Tout à fait, Pascal, le dessin-papier d'emballage va s'envoler dans la cascade, et nous suivons la leçon du maître, on se réjouit et on se détache :-) :-) .....
SupprimerApprécier la beauté du monde, oui, je le fais mais ne pas m'y attacher, cela n'est pas évident. Merci Binh An pour ton magnifique billet et ton dessin à l'encre de chine est superbe et si fin.
RépondreSupprimerBon week-end, bisous
Moi aussi, je m'attache à plein de choses, peut être même un peu trop. J'en souffre aussi, mais parfois je me console en pensant à cette leçon,...
SupprimerLa maître a abandonné parents et famille, il n'a que des disciples autour de lui!
Savoir s'ouvrir aux plaisirs simples, aux beautés changeantes de la nature toujours généreuse mais qui est, malheureusement, peu respectée. Ne rien s'approprier mais partager.....bien souvent plus facile à dire qu'à faire pour bon nombre d'êtres humains
RépondreSupprimerJ'ai souvent le réflexe de m'approprier, mais moins maintenant. L'essentiel pour vivre, je l'ai déjà, et j'ai tendance à jeter, à faire le ménage pour ce qui est non indispensable.
SupprimerÉtonnant, ce travail sur l'attention réclamé par certains maîtres du bouddhisme. Oui, le but est certainement de parvenir au détachement : la feuille brûlée en est le meilleur exemple. Je n'aurais pas réagi comme cet élève. Il y avait une feuille, il n'y en a plus. Il y avait de la fumée, il n'y en a plus. D'où venaient-elles ? Où sont-elles allées ? Voilà pour moi le sens de cette leçon. Merci pour ce beau texte qui nous transporte en tous cas, Binh An.
RépondreSupprimerJ'aimerais bien qu'un jour qu'on parle de la réincarnation avec toi, ce sujet devrait t'intéresser. C'est un important sujet du bouddhisme.
SupprimerIl est très beau ce bleu que tu as employé; issu de la fumée du papier brûlé?
RépondreSupprimerQuant à se détacher de tout monde affectif, c'est absolument à l'opposé de ce que je pense et vis; ne sentir ni joies ni tristesses, brrrr.
Bon WE Bihn An.
Je suis comme toi, je m'attache à plein de choses, trop, peut être. Mais dans les durs moments, un peu de lecture bouddhique permet de relativiser et tenir...
SupprimerTrop de ficelle m'attachent aux choses et aus gens. Je ne suis pas sûr que ça me rende plus heureuxn car ces liens sont souvent sources de préoccupations, d'inquiétudes, voire d'angoisses, mais comment peut-on vivre détaché de tout ? L'homme est un animal social ...
RépondreSupprimerOn ne peut pas être détaché de tout, je pense comme toi. Il faut faire un choix, mais c'est simple à dire, difficile à faire !
SupprimerLa leçon est belle et difficile.
RépondreSupprimerElle a le mérite de faire réfléchir chacun, sur son chemin, là où il en est.
l'essentiel étant de ne pas se comparer aux autres.
J'aime beaucoup ton dessin.
Bisous étoilés, cher Binh An
¸¸.•*¨*• ☆
C'est ce que dit le Maître ! Mais déjà l'élève ne suit pas. Alors, nous....
SupprimerMerci pour le dessin !
J'aurais bien besoin d'un maître je crois. J'en suis loin. Mais c'est un plaisir de prendre des leçons ici...
RépondreSupprimerSuis pas là non plus! Très loin aussi !
SupprimerCeci dit, si la lecture te plait ! :-)
Merci de ton commentaire sur mon dessin, dernière note. Je suis allée voir les tiens, tu dessines très bien. Quant à moi, je dessine peu, j'en suis à mon 14ème depuis 10 ans, ce n'est pas régulier. Je vais aller voir tes autres et je te souhaite un très bon week end.
RépondreSupprimerTu dessines si bien et tu aimes dessiner. Il faut développer tes dons...!
SupprimerAmitiés, :-)
Cette 2ème leçon est simplement et bien écrite et l'illustration me plaît beaucoup. L'essentiel est dit en peu de mots et après avoir médité un peu, je pense qu'il ne me serait pas possible de vivre sans passion et sans affection. Quant au détachement des choses matérielles, c'est différent, je crois que j'aimerai bien, mais je n'arrive même pas à me séparer des livres que j'ai lus, ... je crois que je suis mal barrée pour la zen attitude ! Merci cependant pour ce billet, il contribuera peut-être, avec du temps, à avancer dans cette voie ...
RépondreSupprimerCe texte nous aide à faire la part des choses, et à se détacher de ce qui n'est pas essentiel, je pense. Tu as vu que l'élève du Maître réfléchit et conclut comme toi!
SupprimerAmitiés,
An
La leçon est belle et aussi ton illustration que dire de plus. Silence.
RépondreSupprimerL'idée est une chose...., comme toujours. :-)
SupprimerA chacun de l'adapter et de l'utiliser !
Le détachement n'est pas évident, mais si déjà on se pose la question c'est un premier pas. :-)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ton dessin à l'encre de chine, Binh An.
Merci, Françoise, as-tu mes autres encres de Chine ?
SupprimerOui, je les ai vues, Binh An, mais celle-ci est particulièrement belle. :-)
SupprimerBonne soirée, et une douce nuit.